Le village secret
EAN13
9782494289420
Éditeur
LES ARGONAUTES
Date de publication
Collection
ROMAN
Langue
français
Langue d'origine
arménien
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Le village secret

Les Argonautes

Roman

Indisponible

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Le roman Le village secret est un véritable diamant brut, fait d’images
archaïques et vibrantes, qui se déroule dans des paysages sublimes. La grande
dame de la littérature arménienne, Susanna Harutyunyan, y conjugue le
quotidien rude et fascinant d’un village arménien caché dans les montagnes
avec la poésie des légendes arméniens pour aborder, en biais, le destin
tragique de ce pays lors du XXe siècle. Niché dans des montagnes si hautes
qu’elles évoquent les racines du ciel, un village vit à l’insu du Génocide
arménien de 1915, puis de l’oppression soviétique et de la Seconde Guerre
mondiale. Ce lieu clandestin offre un refuge aux survivants de toutes les
persécutions. À l’origine de cette communauté, il y avait deux hommes : Perdj
et Harout, qui n’était alors qu’un nouveau-né. Seuls survivants de leur
famille, ils échappent au massacre de Hamidian en Turquie en 1894, et trouvent
au hasard de leur fuite un village abandonné, en ruine, au milieu de nulle
part, qui leur offre enfin une sécurité certaine. Ils deviennent les pères
fondateurs de ce sanctuaire qui accueille bientôt de nombreuses autres
personnes fuyant le danger et la persécution. C’est Harout qui les amène
cachés à bord de sa charrette tirée par des bœufs, sous des plaids, entre des
blocs de sel et des vivres. Cette histoire-là est évoquée, tel un mythe
fondateur, au travers des conversations et des souvenirs. Le village caché
promet une renaissance pour beaucoup, à la condition de se plier aux lois
archaïques et farouches du charismatique Harout. Pour que le secret salvateur
perdure, chacun doit renoncer au monde de dehors. Une fois que de nouveaux
arrivants ont rejoint la communauté, ils ne peuvent plus en repartir. Seul
Harout connaît la sortie et se rend de temps en temps dans le monde extérieur
– sous le nouveau régime soviétique – pour se procurer de quoi nourrir ou
soigner le village et pour prendre des nouvelles. Le village s’agrandit
lorsqu’une vague de nouveaux rescapés, en proie à la peur, la faim et les
fantômes, se brise devant ses portes. Parmi eux, Nakhchoun, une belle jeune
fille enceinte d’un Turc qui l’a violée, ébranle Harout. Sans jamais lui
avouer son amour, il mettra tout en œuvre pour la protéger et l’égayer. La
plupart des villageois estiment que le nouveau-né devrait être tué pour
effacer la honte de sa conception. C’est ainsi que le livre commence. En
passant d’un personnage à l’autre de cette galerie humaine en clair-obscur, où
les rescapés essaient de guérir, la narration progresse comme dans un rêve. Il
arrive que les lignes temporelles soient brisées et que les époques se fondent
ensemble, nous transmettant ainsi la perception des habitants coupés de
l’Histoire, et dont le présent est mis en danger par le poids d’un passé
tragique. Tout au long du roman, certains portraits de personnages se
développent et s’approfondissent jusqu’à devenir extrêmement attachants.
Lorsque se clôt le livre, nous avons l’impression d’avoir vécu de longues
années auprès d’eux. Peu à peu nous découvrons ce qui leur est arrivé dans
leur vie précédente, et quels chemins les ont menés jusqu’au village. Il y a
Varso, l’ancienne pâtissière qui raconte un seul et même conte infini, qu’elle
agrémente chaque jour de nouveaux détails, jusqu’au soir de sa vie. Il y a
Sato, la sage-femme un peu sorcière, celle qui fait avorter et celle qui
soigne, qui conseille Harout et boit parfois un peu trop d’eau-de-vie avant
ses opérations ! Il y a le vieux Sédrak, qui aime apporter un coq pour les
événements heureux comme malheureux, et Onès qui prend toujours la défense de
Nakhchoun et chante les louanges d’un plat qu’il n’a jamais mangé mais dont il
a entendu parler. Il y en a aussi de moins sympathiques, comme ceux, adultes
et enfants, qui se moquent jusqu’au harcèlement des deux filles de Nakhchoun.
Cette dernière est la figure tragique du livre. Incapable de surmonter la
terreur de son passé, elle vit dans un exil intérieur, entre la vie et la
mort. Elle devient emblématique des souffrances des femmes en temps de guerre,
qui doivent faire face à l’oppression et à la violence masculine autant qu’à
l’opprobre des villageois qui lui imposent une honte qu’elle ne devrait pas
subir, celle de porter les enfants de l’ennemi qui l’a violée. Un mystère
entoure la figure de Harout, mystère qui reste intact du début à la fin.
Arrivé pratiquement nouveau-né au village, sa vie en est inséparable. Pourtant
il est le seul à savoir ce qui se trame hors de ses limites – sans en parler
jamais. Chef incontesté, Harout prend ce rôle au sérieux, s’interdisant une
vie normale pour lui-même. Il taira ainsi jusqu’au bout son amour pour
Nakhchoun. Ces hommes et ces femmes sortis de la civilisation n’en connaissent
pas moins les déchirements et les joies propres à tout groupe humain. Au sein
de leur communauté fermée, ils vivent un quotidien aussi dur que protégé. Ils
se tirent parfois dans les pattes, se livrent à des commérages, à la jalousie
comme à la générosité, donnent naissance ou meurent, tout en entretenant la
mémoire de leurs morts. Mais est-ce là une vie, semble nous demander l’autrice
? Et que vaut cette paix cloîtrée et fragile face aux aléas de l’Histoire ?
Après la Seconde Guerre mondiale, des prisonniers de guerre allemands sont
amenés pour des travaux de construction près du village caché. Parmi eux se
trouve une figure historique, le zoologiste autrichien Konrad Lorenz, lauréat
du prix Nobel 1973, qui était bien en Arménie soviétique dans ces années en
tant que prisonnier de guerre. Les villageois observent les prisonniers en
secret et trouvent le moyen d’envoyer, sans se faire remarquer, de la
nourriture et des soins médicaux à ces hommes malades et sous-alimentés : par
la rivière. Cet acte de bonté leur vaut d'être démasqués par la milice
soviétique. Le KGB entame une enquête dans le village et les habitants
découvrent, choqués, le système et les valeurs existants en dehors de leur
communauté. Nakchoun est exilée en Sibérie, accusée d'être une espionne
turque. Harout, qui représentait l’âme du village, s’évanouit dans la nature
dès que le monde extérieur découvre leur existence. Ne pouvant se résigner à
devenir le serviteur d’un régime, quel qu’il soit, il disparaît à la conquête
de la liberté. Née en 1963 à Karchaghbyur, au bord du lac Sevan, en Arménie,
Susanna Harutyunyan est l’une des écrivaines arméniennes les plus acclamées de
son pays. Elle est l’autrice de huit romans, dont la plupart se déroulent dans
des villages d’Arménie et évoquent l’histoire récente de ce pays. Son travail
a été traduit en persan, grec, roumain, azerbaïdjanais, allemand, kazakh et
anglais. Elle a également publié de nombreuses nouvelles dans des anthologies
et des revues littéraires en Arménie et dans la diaspora arménienne. En 2016,
elle a reçu la plus haute distinction arménienne – le Prix présidentiel de
littérature pour son roman Le village secret. Susanna Harutyunyan est la
rédactrice en chef du magazine littéraire arménien « Kayaran » et la
fondatrice du groupe d’écrivains du même nom. La traductrice Nazik Melik
Hacopian-Thierry est née à Téhéran. Elle est docteur en économie. Sa passion
pour la langue et la civilisation arméniennes l’a incitée à faire des études à
l’Institut des Langues et civilisation Orientales, à l’Institut Catholique de
Paris et l’Institut des Traducteurs et Interprètes de Strasbourg. Elle a
participé à la traduction des textes canoniques et apocryphes. En littérature
contemporaine, elle a surtout traduit l’œuvre de Susanna Harutyunyan : \- Ciel
post sciptum (2019). \- Promenades en terre d’Arménie (2021).
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