Les mousquetaires du 21e siècle., LES OTAGES DE GUTENBERG
EAN13
9782013216838
ISBN
978-2-01-321683-8
Éditeur
Le Livre de poche jeunesse
Date de publication
Collection
Livre de Poche Jeunesse (710)
Séries
Les mousquetaires du 21e siècle.
Dimensions
17 x 11 x 1,1 cm
Poids
128 g
Langue
français
Code dewey
804
Fiches UNIMARC
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B.N.F. portes ouvertes?>« Hé, toi, le bougnoule, t'arrêtes de nous mater ? Dégage ! »Assis sur la première marche de l'escalier monumental de la Bibliothèque nationale de France, Saïd blêmit sous l'insulte. Il n'avait pas prêté attention aux deux hommes qui discutaient sur le trottoir à quelques mètres de lui près d'une camionnette de location. Ayant cinq minutes à tuer avant d'attaquer le boulot, il contemplait tranquillement le nouveau quartier Tolbiac en construction le long de la Seine, et cet enfoiré vient l'empêcher de déguster son rayon de soleil matinal ! Saïd n'aime pas ça du tout. Il se lève lentement, s'enfonce les ongles dans les paumes, surtout ne pas sauter sur ce type et le descendre pour le compte, une fois lui a suffi et il en paie encore les pots cassés. « Cool, Saïd, cool, rappelle-toi comment réagit ton prof japonais, maître Kagemusha. Quand un petit con le traite de macaque, il sourit, s'incline et s'en va. » Saïd desserre ses poings. Le type qui vient de l'insulter pousse son compère du coude en ricanant, fier de lui. Ceinture noire troisième dan de karaté, Saïd leur montrerait volontiers de quoi il est capable. Il crispe les mâchoires tout en arborant le sourire le plus japonais qu'il puisse imaginer.« Mais il me montre les dents, ce bougnoule ! s'indigne l'insulteur.— Laisse tomber, lui dit son acolyte. D'abord le Rebeu, il est aussi grand que toi. Et puis la patronne va pas tarder.— Je vais juste lui expliquer ce qui l'attend s'il fout pas le camp vite fait. »Le type avance en sautillant, Saïd en déduit qu'il s'échauffe, donc qu'il a un minimum de technique. « Gaffe, se dit-il, je vais garder les bras ballants, mais bien décontractés, tout en relevant le talon droit, histoire de prendre appui sur ma jambe gauche. »À moins de deux mètres, l'insulteur se met en garde, mains semi-ouvertes. Soudain, il pivote et balance un joli coup de pied circulaire au ras du visage de Saïd.« Alors le raton, t'as vu ? exulte-t-il.— Ouais, j'ai vu que tu levais la patte comme une meuf du corps de ballet de l'Opéra, rétorque Saïd qui n'a ni cillé ni bougé.— Tant pis pour toi ! Cette fois, je ne contrôle plus. »À distance réduite, il récidive. Saïd esquive par une rotation du buste à gauche et, de son pied droit, fauche derrière le genou la jambe d'appui de son adversaire, qui chute lourdement sur les fesses.« Et floc ! commente sobrement Saïd.— Oh merde ! gémit l'insulteur. J'ai sûrement le coccyx fêlé. »Crissement de freins, une B.M.W. stoppe brutalement derrière la camionnette de location. Une jeune femme s'extirpe du siège passager et sort à la hâte. Le genre de beauté qu'on ne voit qu'à la télé. Grande, mince, blonde, de noir vêtue — enfin, à peine —, des seins presque apparents moulés par un mince pull-over, de longues jambes mises en valeur par une minijupe. À part ça, elle n'a pas l'air commode !« Albert, que se passe-t-il ? demande-t-elle sèchement à l'homme qui n'est pas à terre.— Eh bien, madame, c'est Marcel qui a voulu faire le mariole avec ce type. Il l'a d'abord provoqué et puis il est tombé sur un os, c'est le cas de le dire.— L'imbécile ! »Elle lève un doigt en direction de la B.M.W. Un homme ouvre la portière arrière, descend. « Celui-là, pense Saïd, avec son crâne rasé, il a une tronche de skin. »« Emmenez-moi ça ! ordonne la jeune femme en désignant Marcel. Et que je ne le revoie plus. Vous m'avez bien comprise ?— Euh... oui... oui, madame ! bafouille le skin. À vos ordres ! Seulement...— Quoi donc ?— Par qui le remplacer maintenant ?— C'est juste, sursis accordé ! Marcel, si vous recommencez à prendre des initiatives stupides, vous connaissez le sort qui vous attend.— Oui, madame. Merci, madame ! » répond-il en se relevant péniblement et en se frottant les fesses.Saïd est médusé par l'autorité de la jeune femme. Purée, celle-là, il ne voudrait pas l'avoir pour patronne ! Elle se tourne vers lui avec un charmant sourire.« Monsieur, excusez la stupidité de mon employé. Il ne vous importunera plus.— Oh, il peut recommencer, si ça me donne l'occasion de vous revoir, susurre Saïd avec son sourire des dimanches.— Et charmeur avec ça ! » roucoule-t-elle avec un petit rire en remontant dans la B.M.W.Pourtant son regard glacé dément ses paroles enjôleuses. Saïd a compris : en dépit de son mètre quatre-vingt-dix, de sa belle gueule, de sa joue balafrée, de ses talents de karatéka, cette beauté a autant de considération pour lui que pour un insecte. La B.M.W. démarre en même temps que la camionnette de Marcel et de son acolyte.De l'autre côté de la rue, un groupe de jeunes grimpe les marches qui conduisent au parvis de la Bibliothèque nationale de France. Ce doit être une classe d'un collège ou d'un lycée, ah oui, aujourd'hui c'est « portes ouvertes ». Peut-être l'occasion, pense Saïd, d'engager un début d'ami-amie avec l'une ou l'autre des lycéennes. Ça le changerait un peu. Parce que, dans les immenses cubes de verre de cette bibliothèque trop grande pour être honnête, il n'a pas souvent l'occasion de rigoler. Voici un mois que sa boîte d'intérim l'a envoyé là pour remplacer un des techniciens chargés de la maintenance des ordinateurs. Depuis hier après-midi, tout est impec, il n'aura pas grand-chose à faire et la journée risque d'être longue. Il repense à la blonde à la B.M.W. La patronne ! De quoi peut-elle bien être la patronne ? En tout cas, elle a de drôles d'employés, et qu'est-ce qu'elle en jette !***De son domicile parisien de la rue d'Artagnan, Xavier de Janval met un quart d'heure à pied pour se rendre à la B.N.F. Ce matin, il se sent vitreux, pâteux. Pourtant, il a pris deux cachets d'aspirine et avalé un bol de café serré. Lui qui d'ordinaire est sobre se retrouve dans cet état chaque 16 mai depuis trois ans. C'est plus fort que lui, le 15 au soir, il ingurgite whisky sur whisky pour s'étourdir, oublier, à en tomber ivre mort. Tiens, le pont de Bercy est barré par les C.R.S. Les voitures passent au compte-gouttes, les piétons également.« Que se passe-t-il ?— Vous n'êtes pas au courant, monsieur ? Le plan Vigie-Pirate a été renforcé. »Xavier hoche la tête. Il se souvient, trois attentats meurtriers en deux jours. Le policier qu'il a interrogé est très poli avec lui. Ses collègues le sont moins envers les jeunes Beurs, tutoyés, fouillés au corps sans ménagement. Xavier déteste cette forme de racisme. Il prend sa voix la plus distinguée :« Pourquoi, disons... cette fermeté certaine à leur égard ? Quels indices vous permettent de supposer que ce sont de dangereux terroristes ?— Tout est possible, monsieur, répond prudemment le policier. Vous-même, ajoute-t-il gêné, vous devez me montrer vos papiers, tout comme... ces jeunes-là. »Xavier fait intérieurement le pari qu'il ne sera pas fouillé. D'autant que, ouvrant son portefeuille, il présente la carte officielle barrée de tricolore qu'il a oublié de rendre après sa démission. Elle lui avait été établie lorsque, brillant ingénieur des Mines, il était entré au cabinet du ministre de l'Équipement il y a exactement quatre ans, un 16 mai, le lendemain de son mariage.« Pardon... Excusez, monsieur le sous-chef de cabinet, s'empresse le policier. Je ne pouvais pas deviner... Bien qu'à vous voir, j'aurais dû me douter que... que...— Je n'ai pas le type maghrébin ?— Non ! Ou plutôt, oui !— Ce n'est rien, mon ami, vous n'avez fait que votre devoir. »Xavier rempoche son portefeuille. Évidemment, avec ses cheveux châtain clair et ses yeux verts, on ne peut le prendre pour un Algérien. Encore qu'à l'École polytechnique, il avait un bon copain, kabyle de souche, qui lui ressemblait au point qu'on les croyait frères. Il achève de traverser le pont de Bercy. Curieusement, le long de la Seine, les voitures filent sans encombre. Xavier attend sur le trottoir que le feu devienne rouge. Ça y est ! Il pose le pied sur la chaussée. Une B.M.W. le frôle en forçant le passage. Xavier sursaute : à côté du chauffeur, il lui a semblé reconnaître sa femme, plus exactement celle qui fut sa femme...« Hé, pépère, tu veux te suicider ? »C'est vrai, de ruminer ses souvenirs le fait marcher au hasard, traverser la chaussée n'importe comment. Voyons, où est-il ? Non plus face à l'entrée ouest de la ...
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